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Alors que la France affichait une légère croissance en 2023, l’Allemagne est tombée en récession, ce qui suscite une certaine jalousie chez nos voisins d’Outre-Rhin.
Hier, l’Allemagne était admirée. Aujourd’hui, elle traîne en queue de peloton. C’est le commentaire que l’on entend fréquemment.
La situation est particulièrement critique dans le secteur industriel. La fédération prévoit une récession de 0,4%. Les usines tournent au ralenti, certaines sont même en chômage partiel faute de commandes. Le secteur de la construction (BTP) est également en déclin, aggravé par une augmentation des taxes. De plus, le pouvoir d’achat des consommateurs baisse, ce qui affecte également le commerce.
Il est étonnant d’entendre que les Allemands envient désormais les Français. Les Français consomment, profitent de la vie et semblent mieux lotis. Le journal Der Spiegel n’hésitait pas à titrer : « La France, c’est l’Allemagne en mieux ».
La récession de 0,3% s’explique par plusieurs facteurs : la crise énergétique, le ralentissement de la demande, et des difficultés à l’exportation vers la Chine et les États-Unis. La crise Ukrainienne a également affecté l’Allemagne, très impliquée économiquement avec la Russie et l’Ukraine. Les embargos n’ont rien arrangé.
Le marché automobile allemand souffre également de la concurrence accrue de la Chine, qui exporte des véhicules électriques de plus en plus performants et à bas coût, rendant les modèles allemands moins compétitifs.
Il est inquiétant de constater que l’Allemagne performe moins bien que la moyenne de l’UE, qui prévoit une croissance de 0,6% avec des hausses pour la France, l’Espagne et l’Italie.
Selon Ruth Brand, présidente de Destatis, les principales causes de cet effondrement sont la crise énergétique et les tensions géopolitiques, notamment avec la Russie. Il faut aussi souligner le vieillissement de la population et la bureaucratie excessive, des obstacles de longue date.
Il est surprenant qu’en Allemagne, pays réputé organisé, la création d’une entreprise peut prendre de trois à cinq ans, un délai bien supérieur à la moyenne de l’OCDE. En France, cela prend six mois.
Par ailleurs, l’Allemagne accuse un retard en digitalisation administrative. Les entreprises perdent chaque année environ 64 millions d’heures pour satisfaire les obligations bureaucratiques.
Les entreprises en difficulté embauchent moins, et le taux de chômage, proche de 6% en décembre dernier, continue de grimper. Le nombre de chômeurs a augmenté de 31 000 en un mois en données brutes, atteignant 2,64 millions.
Le gouvernement n’est pas en reste. En fin 2023, la Cour constitutionnelle a annulé le transfert de 60 milliards d’euros de crédits issue de la pandémie, initialement destinés à soutenir l’industrie et l’investissement vert. Heureusement, un accord a été trouvé et un plan de relance mis en place.
Pour 2024, les prévisions économiques sont légèrement plus optimistes, avec une croissance prévue de 0,2 à 0,3% grâce à la baisse des prix de l’énergie et une inflation estimée à 2,4%. Toutefois, la hausse des salaires de 7% annuellement dès le premier trimestre reste un point d’attention.
La rapidité de l’industrialisation chinoise reste un défi majeur. La densité de robots industriels, autrefois trois fois plus élevée en Allemagne en 2017, est désormais à égalité avec celle de la Chine en 2023. En conséquence, la part de marché des produits allemands dans le commerce mondial a chuté à 6,6% en 2022 contre 7,8% en 2019.
Plusieurs facteurs expliquent cette perte de compétitivité :
Les particuliers ont vu le prix de l’électricité passer de 0,2973€/Kwh en 2023 à 0,4125€. En comparaison, le prix était de 0,2276€ en France en 2023, passant à 0,2516€ en 2024.
Plusieurs décisions historiques ont mené à cette situation :
Angela Merkel a également arrêté 18 centrales nucléaires en 2011 (post-Fukushima) et 9 supplémentaires en 2022, malgré les besoins créés par la crise en Ukraine. Cette décision a poussé le pays vers des investissements massifs dans le photovoltaïque et l’éolien, avec tous les défis de transport et de régulation que cela implique.
L’arrivée d’un million de Turcs en 2016 a également bouleversé la démographie et la structure sociale allemande, qui avait déjà accueilli une première vague en 2002, totalisant environ 5,6 millions en 2024.
Le syndicat IG Metall préconise une réduction du temps de travail à 32 heures pour pallier le manque de main-d’œuvre. Cette proposition semble paradoxale étant donné le besoin accru de forces de travail.
L’Allemagne fait face à une natalité faible et une population vieillissante. Pour résoudre ces défis, augmenter le nombre d’heures de travail hebdomadaire pourrait être une solution. En France, le problème étant similaire, le retour aux 40 heures hebdomadaires pourrait aider à sortir du déficit actuel, comme en Suisse où les travailleurs enregistrent 43 heures par semaine.